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Christopher Peter

Head of Marketing, Promotion & Communications

Schott Music Mainz :: Work of the Week, Composers and Repertoire, Corporate Communications

Œuvre de la semaine – Thierry Pécou: Stalker

Un décor post-apocalyptique dans une église gothique : l'opéra Stalker de Thierry Pécou explore de toutes nouvelles voies du théâtre musical et sera présenté à partir du 22 mai 2024 à l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen. La création dans le cadre du festival "Normandie Impressionniste et Curieux Printemps" sera présentée par l'ensemble Variances sous la direction du compositeur.

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Œuvre de la semaine – Thierry Pécou: Nahasdzáán ou le monde scintillant

 

L’état actuel de notre planète, de plus en plus détruite par l’humanité, fait l’objet du nouvel opéra de chambre de Thierry Pécou. Le compositeur, pour ce faire, choisit comme angle de vision la tradition des Indiens Navajos d’Amérique du nord, qui entretiennent une particulière relation à la terre et à la nature. Le 23 avril 2019, Nahasdzáán ou le monde scintillant est créé à l’Opéra de Rouen en Normandie, sous la direction de Pécou lui-même. La régie et la chorégraphie sont confiés aux soins de Luc Petton.

L’immersion dans la culture indigène joue un rôle essentiel dans le travail de composition de Pécou, qui a vécu un long moment au Canada, en Russie, en Espagne et en Amérique latine. C’est ainsi que Pécou, dans sa Symphonie du Jaguar et dans sa Cantate Passeurs d’eau, s’est approché de la musique et des traditions des tribus indiennes d’Amérique du nord. Pour Nahasdzáán, il fait ici appel à des textes de la poétesse Navajo Laura Tohe, qui traitent du mythe de la Création des Navajos, tout en recherchant leur rapport avec le monde contemporain.
Notre mode de lecture des histoires saintes et des cérémonies sacrées des Indiens Navajos avait pour objectif de révéler les blessures dramatiques causées par l’homme à « Nahasdzáán » (= la terre-mère), et en même temps de montrer la force du concept navajo de « Hozho », qui réunit en soi l’harmonie, la santé et la beauté. À la fin du rituel, qui convoque les figures mythologiques des Navajos, les animaux sont inquiets : quels nouveaux mondes les hommes inventeront-ils pour sauver la terre et échapper à la catastrophe ? – Thierry Pécou

L’histoire de la Création selon les Navajos évoque l’existence de quatre mondes successifs. Le premier, le monde noir, était une sorte de monde souterrain dans lequel vivaient différentes sortes de dieux et d’esprits. Le deuxième et le troisième mondes, respectivement vert et jaune, sont habités par des créatures surnaturelles, tandis que le quatrième monde, blanc, est peuplé par les hommes. Ces quatre mondes se reflètent dans les quatre parties de l’opéra Nahasdzáán. En outre, dans chacun de ces mondes, un rôle important est confié aux animaux, auxquels la culture Navajo accorde une très haute valeur. C’est ainsi que le Finale de l’opéra est confié à des rôles d’animaux qui commentent l’état du monde et viennent exprimer leur espoir d’une amélioration. Par ailleurs, la mise en scène fait également intervenir des animaux vivants sur la scène.

Thierry Pécou – Nahasdzáán ou le monde scintillant: un opéra de chambre sur des traditions indiennes


Dans sa structuration musicale, Pécou place le contenu du texte au centre de la composition, en concevant les quatre parties vocales dans l’immédiate proximité du rythme de la langue. De longues notes tenues et des figures sonores expressives caractérisent les parties instrumentales de l’ensemble de chambre dont les musiciens entretiennent un dialogue captivant entre eux et avec les parties vocales.

Après la création de l’œuvre, une seconde représentation de Nahasdzáán ou le monde scintillant a lieu à Caen le 2 mai 2019. En Allemagne également, on découvre de plus en plus la musique de Thierry Pécou, comme par exemple à Sarrebruck le 12 mai 2019, où l’orchestre philharmonique de la radio Sarrebruck–Kaiserslautern présente la première audition en Allemagne de son concerto pour piano L’Oiseau innumérable – avec au piano le compositieur, et au pupitre Jonathan Stockhammer.

Œuvre de la semaine – Erich Wolfgang Korngold : The Sea Hawk

Le film hollywoodien d’aventures The Sea Hawk (titre français : « L’Aigle des mers »), de 1940, présente la sauvagerie des combats maritimes, le courage des flibustiers et la gloiredes maisons royales, le cliquetis des sabres entrechoqués et le claquement des coups de pistolets. Le cadre musical de cette mise en scène monumentale a été conçu par le compositeur Erich Wolfgang Korngold. Aujourd’hui, la musique trépidante de ce film est le plus souvent donnée à entendre en concert, et c’est ainsi le cas le 3 avril 2019 à Kaiserslautern, avec l’Orchestre du Théâtre de Pfalz placé sous la direction de Uwe Sandner, ainsi que le 7 avril 2019 au château royal de Tunbridge Wells en Grande-Bretagne, avec l’Orchestre symphonique local, sous la direction de Roderick Dunk.

Le compositeur autrichien Erich Wolfgang Korngold a bénéficié au début du XXe siècle d’un grand succès avec ses opéras, au premier rang desquels Die tote Stadt (La ville morte). Lorsqu’il dut, en 1928, s’exiler en Amérique avec sa famille, Korngold devint l’un des compositeurs les plus demandés de Hollywood. Il écrivit des musiques pour une vingtaine de films et fut couronné d’un Oscar à deux reprises. Jusqu’à nos jours encore, c’est le style de composition de Korngold qui étend son influence sur tout le genre de la musique symphonique de film. Selon les experts cinématographiques de CineFix, la musique de The Sea Hawk est la première au Top 10 Scores of All Time (Top 10 des meilleures musiques de film de tous les temps).

Star du cinéma, l’acteur Erroll Flynn joue dans The Sea Hawk le rôle du flibustier Geoffroy Thorpe, dont l’histoire s’inspire de la biographie du marin et corsaire anglais Sir Francis Drake. Avec en arrière-plan la guerre entre les deux grandes puissances maritimes que représentaient l’Espagne et l’Angleterre à la fin du XVIe siècle, Thorpe se bat, dans le film du réalisateur Michael Curtiz, sous le drapeau de la couronne d’Angleterre contre les espagnols. Après de nombreux rebondissements, Thorpe parvient à prévenir les forces britanniques d’une attaque dévastatrice de l’Armada espagnole, ce qui, communément, fut interprété comme une métaphore de l’embrasement tout récent de la seconde guerre mondiale, et du rôle d’agresseur de l’Allemagne. Thorpe, après avoir ainsi sauvé heureusement sa patrie, fut richement récompensé par la Reine Elisabeth Ière.

Erich Wolfgang Korngold : The Sea Hawk – un cadre musical pour un film d’aventures maritimes


Dans sa musique de film, Korngold renoue avec ses travaux précédents de compositeur dans le domaine de l’opéra et de la musique de scène. C’est ainsi qu’il a fait de nouveau appel à la technique du leitmotiv afin de caractériser musicalement certains personnages, certaines situations ou certaines associations. Le langage harmonique post-romantique et le recours à un orchestre symphonique de grand effectif rendent possible une ressource de sonorités forte en expression et d’une grande efficacité, dans la tradition de Wagner et de Strauss, par laquelle Korngold renforce l’aspect visuel du film sur le plan émotionnel de la musique.
La musique, c’est la musique, qu’elle soit destinée à la scène, au pupitre de chef ou au cinéma. Sa forme ne peut en être transformée, et même si la manière de la noter peut être différente, le compositeur ne peut faire aucune sorte de concession quant à ce qu’il considère être sa conviction musicale personnelle. – Erich Wolfgang Korngold

La musique de film de Korngold reste également accessible sans le mouvement des images, comme musique instrumentale en soi, pour le temps de sa durée. Publiées chez Schott, il existe ainsi deux variantes de la musique de The Sea Hawk pour la salle de concert : le thème principal iconique de 6 minutes sous la forme Theme from the motion picture (« Thème du film »), et une Suite plus complète, d’une durée de 17 minutes, réalisée par Patrick Russ à partir de la musique intégrale du film. Dans le cadre du concert de Kaiserslautern, on pourra même entendre deux fois la musique de Korngold pour le cinéma, car outre The Sea Hawk, sera également jouée la fanfare tirée du film Kings Row (titre français : « Crimes sans châtiment »), qui aura sans doute aucun été à la base de l’inspiration de musiques de superproductions plus tardives comme Superman et La guerre des étoiles. Dans la salle de la Mairie de Stadtbergen, on pourra également entendre, le 7 avril 2019, la Suite symphonique tirée de la musique du film The Adventures of Robin Hood (« Les aventures de Robin des Bois »). Et le célèbre Konzert D-Dur für Violine und Orchester (« Concerto pour violon et orchestre en ré majeur »), dans lequel Korngold fait des citations tirées de ses musiques de film, est donné les 4 et 5 avril 2019 par l’Orchestre national symphonique estonien à Tartu et à Tallinn en Estonie.

 

 

Œuvre de la semaine – Bernd Alois Zimmermann : Des Menschen Unterhaltsprozess gegen Gott

L’année 2018 s’est tenue, pour beaucoup de Théâtres et d’Orchestres, sous le signe du 100e anniversaire de la naissance de Bernd Alois Zimmermann. À cette occasion, la Volksbühne de Berlin présente pour la première fois, le 26 novembre 2018, une version scénique de son oratorio radiophonique Des Menschen Unterhaltsprozess gegen Gott (« Le procès de l’homme contre Dieu »). Grâce à la participation de nombreux ensembles, ce sont 130 choristes hommes et femmes, 50 instrumentistes ainsi que 12 actrices et acteurs qui occuperont la scène. Seront réunis ainsi l’orchestre de la Kammersymphonie de Berlin, le chœur principal et le chœur de jeunes filles de la Sing-Akademie de Berlin, le chœur d’hommes de l’état et de la cathédrale de Berlin, de l’ Ensemble PHØNIX16, ainsi que des membres de l’École supérieure de théâtre Ernst Busch et du Nouveau Quartier de Moabit. La mise en scène est confiée à Christian Filips, la direction musicale à Kai-Uwe Jirka.

Zimmermann a composé Des Menschen Unterhaltsprozess gegen Gott après la fin de la Seconde guerre mondiale, dans la ville de Cologne détruite par les bombes. Le texte de l’œuvre a été conçu à partir du traditionnel Jeu du Saint-Sacrement de Pedro Calderón de la Barcas, Los alimentos del hombre, traduit en allemand par Hubert Rüttger. C’est le jour de la Fête du Saint-Sacrement de 1952 que l’oratorio fut diffusé pour la première fois à la radio en collaboration avec la Radio Westdeutscher Rundfunk (Cologne), pour être presque entièrement oublié par la suite. Dans l’œuvre se mélangent les genres du mélodrame et de l’opéra, ainsi que des essais de musique électronique effectués antérieurement. En outre semblent y être réunis les influences des puissances occupantes de l’Allemagne d’après-guerre : le jazz des américains, les jeux de timbre français comme chez Debussy, et les citations des Ballets Russes sont des éléments constitutifs du style de la musique de Zimmermann.

Bernd Alois Zimmermann – Des Menschen Unterhaltsprozess gegen Gott : un oratorio radiophonique.


Après avoir transgressé le commandement de Dieu, Adam est banni du Paradis. Il doit à présent vivre sur la terre comme un homme normal et se consacrer au travail de l’agriculture. Mais Adam n’y trouve aucun plaisir et même ses camarades Deckmann et Fressmann ne peuvent lui être d’aucune aide. Un peu plus tard, Adam insatisfait rencontre le diable, qui lui conseille d’attaquer Dieu en justice. C’est ainsi que commence un grand procès métaphysique.

L’originalité et le sens de ce jeu solennel destiné à la célébration de la sainte Eucharistie ne peuvent être présentés avec pertinence dans leur relation intime de parole et de musique que sous la seule et unique forme d’un oratorio radiophonique.[…] Je me réjouis déjà grandement de cette grande et belle tâche, avant tout parce que de cette manière se trouve arrachée à un oubli immérité une œuvre de Calderon quasiment inconnue jusqu’ici. – Bernd Alois Zimmermann.

Dans le contexte de l’année Zimmermann 2018, les œuvres de Zimmermann Dialoge, Sinfonie in einem Satz (Symphonie en un mouvement) et Monologe seront jouées en outre le 14 décembre à la Herkulessaal de Munich. L’Orchestre symphonique de la Radio WDR, lui aussi, présente de la musique de Zimmermann à la Philharmonie de Cologne, ce même soir et le soir suivant, en l’occurrence son Concerto pour violon et orchestre.

Œuvre de la semaine – Krzysztof Penderecki : Quartetto per archi no. 4

Le 11 décembre 2016 est la date de la création, au Wigmore Hall de Londres, du Quartetto per archi no. 4 (Quatuor à Cordes n° 4) de Krzysztof Penderecki. L'œuvre résulte d'une commande passée par le quatuor Belcea, fondé à Londres par la violoniste roumaine Corina Belcea. Initiée par le Wigmore Hall de Londres, cette commande est également soutenue par des lieux de concert de Bruxelles, Madrid et Varsovie, ainsi que par différentes fondations.

La relation avec le quatuor à cordes dans le parcours compositionnel de Penderecki se caractérise par d'importantes périodes d'interruption : les deux premiers quatuors – fondés sur l'improvisation expérimentale – ont été écrits à des dates rapprochées l'une de l'autre, dans les années 1960. Le troisième et le quatrième ont suivi un long moment plus tard, mais, de la même manière, ont été composés dans la proximité l'un de l'autre, en 2008 et 2016. C'est ainsi que ses quatuors peuvent représenter de manière paradigmatique les deux grandes phases créatrices de Penderecki, dont la différence stylistique ne trouve aucun égal dans l'histoire de la musique. C'est d'une certaine manière en guise de commentaire à cette évolution que se trouve paraître, en 1988, au beau milieu de cette "pause du quatuor", les très bref quatuor à cordes non numéroté et titré Der unterbrochene Gedanke (La pensée interrompue). Toutefois, presque toutes les œuvres de Penderecki peuvent être qualifiées comme datant du matin de sa vie :
C'est avant le petit-déjeuner que se situe le meilleur moment pour composer – on est alors bien frais. Je me lève normalement à 6 heures, quand tout le monde dort encore, et je me mets à écrire. M'exprimer par la musique reste peut-être la seule possibilité pour moi d'avoir un contact avec le monde extérieur. Mais j'en retire surtout un grand plaisir, sinon, je n'aurais pas écrit autant. - Penderecki

Peu après cette création sont prévues les premières auditions du Quartetto per archi no. 4 en Espagne (Madrid, le 13 décembre) et en Belgique (Bruxelles, le 15 décembre), toujours avec le Quatuor Belcea.

Œuvre de la semaine – Stefan Heucke : Baruch ata Adonaj

Le 27 octobre a lieu à Bochum l'inauguration du "Forum de la Ruhr Anneliese Brost". À cette occasion solennelle est présentée la création d'une nouvelle œuvre musicale de Stefan Heucke : issue d'une commande, la composition Baruch Ata Adonaj (hébreu : "Béni sois-Tu, Seigneur"), est une cantate sur un texte de bénédiction pour baryton, trois voix d'enfants, chœur et orchestre. À cette exécution participe le commanditaire lui-même, l'Orchestre symphonique de Bochum, sous la direction de Steven Sloane, ainsi que le chœur ChorWerk de la Ruhr et le chœur philharmonique de Bochum. Les solistes sont le baryton Martijn Cornet et de jeunes garçons de l'académie chorale de Dortmund.



Les possibilités offertes par la nouvelle salle de concerts seront pleinement mises en scène durant la demi-heure que dure la cantate. Au début, la scène est vide. Le soliste et les trois voix d'enfants se tiennent sur les balcons situés en face d'elle. Le baryton exécute une mélodie de type rhapsodique à laquelle répondent, en antiphonie, les voix d'enfants. Cette mélodie constitue à la fois le thème de l'œuvre et le fondement des huit variations se succédant l'une à l'autre, sous des formes tant vocales qu'instrumentales.

Baruch ata Adonaj de Stefan Heucke – l'agencement de l'espace par le son, l'agencement du son par l'espace.


Les huit mouvements se composent de passages conçus depuis les formes les plus fines de la musique de chambre jusqu'à la plénitude sonore la plus accomplie. Heucke, habitant de Bochum par adoption, y met en valeur aussi bien le matériau musical que l'espace d'exécution lui-même, afin d'en faire valoir toutes les potentialités et toutes les facettes. Le processus choisi est de transformer une scène encore vide au début en un espace qui se remplit progressivement de musiciens de plus en plus nombreux et de sons de plus en plus présents.
Pour l'inauguration du nouveau Musikforum, l'orchestre symphonique de Bochum m'a passé commande d'une œuvre devant exprimer tout autant la reconnaissance pour l'accomplissement d'un projet de longue date que le vœu permettant de bénir son avenir. C'est ainsi que les uns après les autres, des chanteurs et des instrumentistes de plus en plus nombreux entrent en scène, si bien qu'à la fin – un Amen en rayonnante apothéose – l'espace entier est rempli par la musique et par les artistes, qui à la fois l'habitent et la révèlent. – Stefan Heucke

Le très court texte "Baruch ata Adonaj" est une formule de bénédiction occupant une place essentielle dans la tradition juive. Elle est employable dans diverses situations : on peut ainsi s'adresser au Seigneur pour le remercier non seulement de la nourriture et de la boisson qu'il nous fournit, mais aussi, par exemple, des choses particulières qu'il nous donne à voir ou à entendre. C'est cela qui constitue cette inauguration de Bochum. Le remerciement s'adresse particulièrement aux citoyens de la ville, qui auront supporté l'effort de ce grand projet à hauteur de la moitié des 34 millions d'Euros nécessaires à sa réalisation. Cette salle de concerts doit avant tout offrir un lieu de concerts en propre au célèbre orchestre municipal, qui jusqu'ici ne pouvait développer la totalité de son potentiel sonore que dans des salles où il était invité. Cette situation "d'exil" de l'orchestre renvoie elle aussi au parallèle avec l'histoire juive.

L'exécution sera répétée le lendemain. Les 29 et 30 octobre, l'orchestre symphonique de Bochum invite déjà le public à leur prochain concert dans leur nouveau chez-soi : au programme, figure entre autres la très populaire Suite "L'Oiseau de Feu" d'Igor Stravinsky.

Œuvre de la semaine – Harry Partch: Delusion of the Fury

L'édition 2013 de la triennale de la Ruhr avait permis de découvrir la création en Europe de Delusion of the Fury ("L'illusion de la fureur"), œuvre tardive mais œuvre-clé composée en 1965-1966. Cette production, réalisée ainsi avec l'Ensemble Musikfabrik dans une mise en scène de Heiner Goebbels a été alors jouée à Oslo, Genève, Amsterdam, Édimbourg, New York et Paris. Le 7 octobre 2016, on pourra la voir sur scène à Taichung (Taïwan), en création en Asie.


Harry Partch : le Don Quichotte de la musique ?


Les critiques contemporains de Partch l'avaient dépeint sous les traits de "Don Quichotte de la musique". Selon une vision plus actuelle, il fut un philosophe de la musique et un pionnier d'une haute inspiration qui, en tant que compositeur, fut l'un des premiers à se consacrer presque exclusivement à la micro-tonalité. Il inventa son propre système tonal, fondé sur 43 micro-tons purs très resserrés par octave. En outre, il fut également le concepteur d'un véritable cosmos sonore spécifique, essentiellement composé d'instruments à percussions de formes nouvelles et aux sonorités inhabituelles.

Le projet de théâtre musical de Partch Delusion of the Fury n'a rien de commun avec l'opéra traditionnel. Inspiré de mythes japonais et africains, il se présente comme une œuvre à mi-chemin du rêve et de la folie, intégrant tous les moyens théâtraux de la lumière, du mouvement, du chant, ainsi que la présence exceptionnelle de son instrumentarium. Ainsi est élaboré un théâtre hors de tout lieu, dans lequel tous les plans temporels se chevauchent, et qui est l'occasion d'un regard sur une culture qui nous est tout à la fois étrangère et en même temps familière. Partch tisse en deux actes une toile rituelle qui célèbre la vie et la réconciliation des vivants avec la mort.

Delusion of the Fury: « Cloud Chamber Bowls » et « Zymo–Xyi »


Une grande partie des quelque 25 sculptures sonores de l'instrumentarium exotique de Partch fait partie de la famille des marimbas – mais, du reste, de façon lointaine : le "Marimba Eroïca" se compose en fait de quatre tiges sonores géantes avec des corps de résonance. Dans le "Mazda Marimba", ce sont des ampoules qui produisent les sons ; pour le "Zymo–Xyi", des bouteilles d'eau-de-vie et de liqueur. Les "Cloud Chamber Bowls" ("bols de chambre à brouillard") ressemblent de loin à une boutique de lampes. Or, suspendues à un cadre de bois, ce ne sont pas des lampes, mais la partie supérieure de très grands récipients de laboratoire en verre, découpés et accordés grâce à un polissage. Jouées avec des mailloches de feutre, elles sonnent comme un glockenspiel grave.
Je pense que ma musique est vraiment liée au corps. Elle possède un feeling corporel. L'apparence des instruments est pour moi importante. Ces objets sont inscrits dans l'espace, ce sont des produits de l'espace. Et puisqu'ils en font partie, il faut qu'ils aient beaucoup d'allure et qu'ils soient eux-mêmes source d'inspiration. Toute personne qui en joue fait aussi partie de l'instrument. Il s'agit d'une unité, d'un ensemble. Et, mon dieu, si je puis dire quelque chose : l'instrumentiste en question ne devrait pas avoir l'air d'un cueilleur de prunes californien amateur en pleine cueillette ! – Harry Partch

Une autre représentation de cette production bien accueillie par le public est prévue à Taichung le 8 octobre 2016. Inspirée par la série de représentations de la triennale de la Ruhr et par l'Ensemble Musikfabrik, Schott a commencé la publication d'une nouvelle série : les partitions de Partch, uniques dans leur écriture, deviennent maintenant accessibles en partition d'études, sous forme imprimée ou par téléchargement. Vous pouvez trouver Delusion of the Fury en tant qu'exemple de démonstration gratuite dans Notafina grâce au lien ci-dessous.

Œuvre de la semaine – Christian Jost: An die Hoffnung

Dans le programme de son concert d'ouverture, le 10e festival de Grafenegg (Autriche) présente la première audition mondiale du nouveau Lied avec orchestre de Christian Jost An die Hoffnung (À l'espérance). Commande du festival, l'œuvre est interprétée le 19 août avec en soliste Florian Vogt, et le Tonkünstler–Orchester Niederösterreich dirigé par Yutaka Sado. C'est là une des rares occasions d'entendre le ténor dramatique Florian Vogt dans l'interprétation d'une composition contemporaine. Son arrivée sur le devant de la scène eut essentiellement pour occasion sa prise de rôle de Lohengrin au Théâtre d'Erfurt en 2002 – et ce rôle reste aujourd'hui encore l'un de ses rôles fétiches.

Après Krzysztof Penderecki (2007), Heinz Holliger (2008) et Jörg Widmann (2014), c'est maintenant Christian Jost qui occupe la place de compositeur en résidence auprès du festival de Grafenegg. Dans ce poste, le rôle de Christian Jost ne se borne pas à proposer ses propres compositions, mais lui permet également de diriger le Tonkünstler–Orchester et lui confie la responsabilité de l'atelier de composition et de direction "INK STILL WET" ("L'encre encore humide"), qui, depuis 2011, a lieu tous les ans, et, cette année, du 1er au 5 septembre.

Christian Jost, An die Hoffnung – Un recours moderne à Beethoven.

C'est en 1804, sous son opus 32, que Beethoven mit en musique le poème An die Hoffnung issu de l'Urania de Christoph August Tiedge. Neuf ans plus tard, il retravailla et développa cette composition de Lied, et une nouvelle œuvre parut avec le même titre sous le numéro d'opus 94. C'est cette version tirée de la période de création tardive chez Beethoven que Jost a prise pour point de départ de son œuvre orchestrale du même titre. Dans la section centrale de l'œuvre, Jost conserve la partie vocale originale ainsi que certains éléments harmoniques. Mais le Lied de Beethoven est cependant recomposé au sein d'une partie orchestrale entièrement nouvelle, dont l'instrumentation est semblable à celle de la 9e symphonie de Beethoven. Cette dernière trouve également sa place dans le concert d'ouverture du festival de Grafenegg.
C'est un paysage orchestral construit sur des tierces mineures, une composition bouleversée, au rythme pressant, qui, orchestralement parlant, confère à "l'espérance" beethovénienne une certaine fragilité. Elle conflue en un voile d'interrogation fait de tendres clusters, tissé dans les dernières lignes de Tiedge : "Là-haut, est-il un ange qui attende et compte mes larmes ?" – Christian Jost

Outre la création de An die Hoffnung, Jost présente au début du concert du 19 août sa Fanfare pour 9 cuivres – autre commande du festival de Grafenegg donnée en création mondiale. Dans la suite du programme du festival, Jost dirigera, le 25 août, sa CocoonSymphonie. Le 28 août, Georgy Goryunov jouera lautlos, de Jost, pour violoncelle solo ; Portrait, pour violon solo, pourra être entendu le 10 septembre, interprété par Sophie Kolarz–Lakenbacher.

Œuvre de la semaine - Sir Peter Maxwell Davies: The Hogboon

L'opéra pour enfants The Hogboon de Sir Peter Maxwell Davies, compositeur disparu il y a trois mois, sera créé le 26 juin 2016 au Barbican Hall de Londres. Au pupitre, Simon Rattle dirige le London Symphony Orchestra et les musiciens de la Guildhall School, ainsi que les chanteurs du LSO Discovery Choir et du London Symphony Chorus.



L'argument du Hogboon est tiré d'un conte populaire écossais des Orcades, où Peter Maxwell Davies a vécu ces 40 dernières années. Dans la fosse et sur la scène de cet opéra pour enfants jouent ensemble des musiciens professionnels, des étudiants et des enfants. Dans la pièce, Magnus, le septième fils d'un septième fils, est raillé par ses frères parce qu'il refuse d'aider aux travaux de la ferme. Mais Magnus reçoit l'occasion de faire ses preuves : le monstre marin Nuckleavee menace de détruire le village si on ne lui donne pas pour nourriture six jeunes femmes ainsi que la princesse. Avec l'aide du gentil lutin, le Hogboon, Magnus met au point un plan destiné à chasser Nuckleavee et à sauver les femmes et le village.

Sir Peter Maxwell Davies : The Hogboon – Un opéra pour enfants d'un genre particulier


L'œuvre de Maxwell Davies comprend des pièces de tous genres et de diverses sortes de styles. C'est ainsi qu'il put toucher autant de cercles de publics différents, comme peu d'autres compositeurs en ont été capables. Il sut être innovant jusqu'au domaine de la pédagogie musicale même : enseignant à l'établissement d'enseignement secondaire de Cirencester, il développa une méthode personnelle d'enseignement de type néo-socratique. Il composa aussi bien des pièces pour le théâtre musical d'enfants que, par exemple, les opéras-pantomimesCinderella (Cendrillon) ou The Rainbow (L'arc-en-ciel), ou encore les cycles de mélodies Kirkwall Shopping Songs et les Songs of Hoy. Voici comment Maxwell Davies décrit sa démarche dans la composition d'opéras pour enfants :
Les enfants n'ont ni inhibitions ni préjugés. Ils n'en savent pas assez sur la musique pour la classifier. Ils abordent les choses avec fraîcheur et on doit seulement bien maîtriser cet exercice de corde raide que représente l'écriture d'une musique qui tienne leur intérêt en éveil du début à la fin d'une répétition. D'un autre côté, elle ne doit pas non plus trop exiger d'eux, ce qui les découragerait. Une musique qui traite de choses suscitant un intérêt immédiat et naturel chez les enfants, et qui, dans la mesure du possible, procure des sentiments de découverte, de performance et de plaisir. – Maxwell Davies

En souvenir de Maxwell Davies a lieu le 27 juin 2016, au St John Smith's Square de Londres, un concert au cours duquel sera créé le String Quartet Movement 2016 (Mouvement pour quatuor à cordes 2016). En outre, on pourra également entendre d'autres œuvres de lui, parmi lesquelles son œuvre pour chœur et orgue The Golden Solstice (Le Solstice d'Or). Le 12 novembre, le Jugend-Musik-Ensemble interprétera la pièce pour orchestre 5 Voluntaries. La première audition du Hogboon à Luxembourg est prévue en mai 2017, par l'Orchestre philharmonique du Luxembourg.

Œuvre de la semaine - Gregory Spears: Fellow Travelers

Le 17 juin 2016, l'opéra de Cincinnati présente la création mondiale de l'opéra Fellow Travelers (Compagnons de route) de Gregory Spears. Le livret est de Greg Pierce, et se fonde sur le roman de Thomas Mallon publié en 2007. La création est placée sous la direction de Kevin Newbury. Fellow Travelers a fait l'objet d'une commande de G. Sterling Zinsmeyer et de l'opéra de Cincinnati.



Fellow Travelers se joue à Washington D.C. dans les années 1950. Timothy Laughlin, diplômé d'université et catholique croyant, s'associe à la croisade contre le communisme. La rencontre due au hasard avec un séduisant employé du ministère des Affaires étrangères, Hawkins Fuller, entraîne Tim vers son premier job, mais aussi vers sa première relation amoureuse. Les attaques lancées par le sénateur McCarthy contre les homosexuels empêchent Tim de mettre en cohérence ses convictions politiques et son amour pour Dieu et pour Fuller – un embrouillamini qui se termine par un acte de trahison à couper le souffle.

La pièce utilise la relation amoureuse entre Laughlin et Fuller pour remettre dans les consciences le souvenir de la "peur violette" ("lavander scare"). C'est ainsi qu'était nommée une procédure mise en œuvre par le gouvernement américain du nord, et consistant à licencier en masse des fonctionnaires soupçonnés d'homosexualité. "Il s'agit d'une époque de notre histoire qui a presqu'entièrement été bannie de notre mémoire collective", dit Spears à propos de Fellow Travelers, "et s'il y a bien, je crois, une chose que l'opéra puisse faire, c'est de remettre cet oubli en mémoire".

Après cette première, le "Aronoff Center for the Arts" de Cincinnati donnera neuf autres représentations de Fellows Travelers jusqu'au 10 juillet.